dimanche 20 avril 2014

Midnight in the Garden of Good and Evil

Je ne crois pas aux normes universelles. Je n'y ai jamais cru, je crois. En tout cas, je me souviens très bien de révoltes silencieuses quand une autorité morale affirmait le contraire, que ce soit au catéchisme, en classe, en cours de philosophie, ou en famille.

Adolescente dans une époque qui, contrairement aux apparences, pouvait se montrer bien plus ouverte qu'aujourd'hui, j'ai eu maintes occasions d'entendre, voire de participer à des discussions enflammées, et surtout de lire, souvent, des mises en doute de la notion même de perversité.

J'étais curieuse, avide de connaissances sans aucune hiérarchie, et j'ai lu sans préjugé bien des textes qui présentaient avec naturel, avec une sorte d'innocence touchante et éminemment troublante, des désirs, des pratiques hors normes. Des expériences intenses et bouleversantes le plus souvent.

C'est peut-être de là que viennent mes plus fortes passions littéraires ou artistiques, mais peut-être aussi était-ce déjà là depuis toujours. Le paroxysme d'émotion lors de chacune de ces rencontres initiales m'incite d'ailleurs à pencher pour la deuxième possibilité.

Rien à voir il me semble avec les provocations sans nuance que l'on trouve partout sur le net, et pas grand chose non plus finalement avec les rares personnes qui parlent sans fard de certains de leurs choix - et sont aussitôt assaillies de commentaires plus ou moins outrés mais invariablement majoritaires.

Pendant un temps connaître l'autre versant, moins lisse, créait une complicité immédiate avec d'autres, et une sorte d'aura auprès de personnalités plus classiques, que je pensais seulement alors moins curieuses des profondeurs obscures.

Et puis un jour, sans bien comprendre, je fais face à une réaction indignée, sans nuance. Juste pour avoir apprécié Les Nuits Fauves qui venait de sortir. Vingt ans plus tard, alors même que la vulgarité s'étale partout, on dirait que la bien-pensance a tout envahi. En tout cas, c'est mon impression tenace quel que soit le lieu, quel que soit le milieu.

Je me sens de plus en plus étrange étrangère au milieu de mes contemporains. Mais à tenter d'y réfléchir ici, je me rends compte que la période de grâce qui me semble aujourd'hui une unique parenthèse a, en réalité, été précédée et suivie d'un temps bien plus inconfortable. Je ne désespère donc pas de la revivre à nouveau, de sentir à nouveau partagé le goût de la complexité du monde et d'y voir rechercher l'harmonie et l'équilibre sans manichéisme, sans manifestations de vertu outragée de qui, quelle ironie, piétine chaque jour la délicatesse et ignore l'empathie.





4 commentaires:

Ex-prof a dit…

Peut-être me ferai-je l'avocate des diables... mais le fait que toutes les opinions aujourd'hui s'étalent à tout-va, comme si elles s'équivalaient, conduit peut-être à rechercher LA vérité au milieu de ces OUI-NON, POUR-CONTRE qui nous assaillent à longueur de journée et d'année. Comment, sinon, se faire une opinion parmi ces bruits et rumeurs qui s'affirment comme autant de vérités établies ?

Il n'en reste pas moins, c'est vrai, qu'on a parfois l'impression d'être plongé dans un monde de censeurs impitoyables, fermés à tout avis qui ne recoupe pas les leurs...

Ex-prof a dit…

En guise de suite et d'illustration... voir http://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2014/04/20/benoit-hamon-et-les-epinards-ce-que-revele-linformation-parodique.html

Triste... mais véridique...

Ed a dit…

Je reconnais tellement bien cette époque dont tu parles.
Les discussions enflammées, aujourd'hui, cela existe encore ?????????
Cela me manque.

Axel a dit…

@ Ex-prof - "fermés à tout avis qui ne recoupe pas les leurs", j'ai bien peur que ce ne soit pire que ça. Quand il s'agit d'avis personnels il est bien normal de trouver des contradicteurs.
Mais poser sans nuance et sans réflexion un oukase qui ne repose sur rien, ce n'est plus du tout exceptionnel. Hélas.

L'exemple de L'Instit Humeurs c'est typiquement ce qui me fait désormais fuir les commentaires des journaux (et pas seulement parodiques). Il n'y a visiblement pas que les élèves pour ne pas lire ce qui est écrit mais réagir quand même, de préférence avec virulence...

@ Ed - Merci à toi. On finirait par croire avoir rêvé !
Je devrais sans doute reconsidérer mes fréquentations, mais je n'en ai jamais le courage.

Bonne question en effet. Les jeunes gens que je connais non seulement ne refont plus le monde ni au café ni dans leurs chambres mais ne semblent rien savoir les uns des autres, et les parents autour de moi ont les mêmes interrogations.
Pour me rassurer, je me dis que nos parents ne nous comprenaient pas davantage, mais ça ne me rassure pas tellement en réalité !