Faire son deuil. Même si fatalement j'ai eu à connaître des pertes, en dehors de la première qui m'a bouleversée sans que j'en aie pleinement conscience, je ne crois pas l'avoir vécu.
La première fois que j'ai été confrontée à la mort, j'étais encore au collège, un camarade cardiaque. Quand on nous a annoncé la nouvelle, je crois que j'étais surtout surprise. Quand je suis rentrée à la maison, j'ai à peine commencé à en parler que je fondais en larmes sans comprendre. Je revoyais surtout son sourire un jour où il avait essayé de susciter le mien, un sourire franc que je n'ai jamais oublié.
Une famille presque sœur a connu coup sur coup deux drames que chacun a tenté de surmonter à sa façon, le genre de drame dont au fond je n'imaginais même pas que l'on puisse se relever. Leur vie en a été bouleversée mais elle a continué avec ses joies et d'autres peines.
Dans ma famille, je sais qu'une personne au moins ne s'est pas remise d'une disparition mais elle était loin, nous ne la voyions pas souvent, cela restait, reste, abstrait même si c'est une histoire terrible de bout en bout.
Puis j'ai vu ma propre mère s'effondrer, et souffrir longtemps à chaque anniversaire, pourtant la vie reprenait aussi tous ses droits dans le même temps.
Mais finalement la mort me reste étrangère et lointaine.
Pour la perte je n'en dirais pas autant. Se relève-t-on vraiment de tout ? Je crois que oui, et en même temps cela ne me paraît pas très correct de le penser.
Il a fallu, voilà bien longtemps déjà, accepter les "jamais plus". Je me croyais aguerrie, je me demande si je ne me suis pas plutôt anesthésiée, voire mutilée.
Et aujourd'hui, même si lorsque je m'accroche à l'espoir cette idée terrible recule, j'essaie de faire le deuil d'un futur. Qui sera aussi celui d'un espoir ancien, et celui de certitudes fondamentales. Peut-être même d'une part d'humanité. Et c'est douloureux. Tellement que je ne suis plus si sûre que cela qu'on puisse se relever de tout. Enfin si, j'y crois toujours. Mais est-ce une si bonne chose ?
Si le monde s'écroule qu'importe sa beauté ? A moins qu'il ne frémisse en rien quand nos cœurs se brisent. Ce qui est fort probable. Quel est le prix d'un bonheur absolu ? Vaut-il vraiment tous les tourments ? Si j'avais su... ce qui est impossible évidemment, mais si j'avais su, aurais-je agi différemment ?
C'est peut-être là que gît la blessure au fond, ce que j'ai fait ou n'ai pas fait pour en arriver là aujourd'hui, à ce puits d'angoisse, à cette sensation de perte irréparable. Faire le deuil.
Accepter. Renoncer.
Et toutes mes excuses à ceux qui pleurent effectivement la mort d'un proche s'ils venaient à passer par là.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
2 commentaires:
Pour avoir vécu des deuils qui m'ont plus que marquée et dont (le premier surtout) je me suis relevée, sans aide, les psys on ne les voyait pas à l'époque, mais tellement différente, et pour toujours portant une cicatrice qui se rouvre sans que je m'y attende.
Peut-être que c'est pour ça que je renonce plus facilement à des rêves, des projets, me disant que l'essentiel n'est pas là. Mais peut-être que je me trompe.
Merci du passage Ed.
Tu fais partie de ceux auxquels je pensais en ajoutant la dernière phrase. L'essentiel nous est certainement personnel, aucun "risque" de se tromper vraiment.
Enregistrer un commentaire