lundi 8 novembre 2010

Entre deux

Pour la peine, un petit tour chez qui j'ai failli voler le titre.

Une journée entre deux, entre deux eaux, entre deux teintes. Après un week-end où je me sentais vraiment bien, en forme, optimiste, pleine d'énergie, le lundi aurait dû amorcer une semaine sans heurt. Et en dehors du réveil bien trop matinal (quand je pense que l'un de nos agents d'entretien se lève à 4 h 30 365 jours par an !!!) et du froid soudain, il semblait bien que ce doive être le cas.
Peut-être contaminés positivement par mon propre allant, les 4° ont travaillé sans bruit, sans poser dix mille questions répétitives, et ont même assez bien réussi les exercices prévus.
Le café était prêt à la récréation, un peu amer certes, mais bienvenu. Conversation forcément écourtée (un quart d'heure pour fermer la salle, descendre, répondre ici et là, prendre un café, remonter, ça passe comme un éclair !) avec la nouvelle collègue d'arts plastiques. Une fois n'est pas coutume, une collègue qui aime vraiment l'art et le faire découvrir "aux enfants" comme elle dit.

C'est à midi que le temps s'est assombri. Et j'ai pensé à ce même découragement qui perce parfois là-bas. Beaucoup de monde autour de la table. Parfois cela permet de rire plus facilement de tout et de rien, parfois c'est franchement fatigant, trop bruyant et trop de conversations parallèles entre certaines à la voix de stentor.
Aujourd'hui, c'était juste déprimant.
J'aurais dû intervenir sans doute, mais les moulins à vent, parfois, on n'a juste plus envie de les affronter.

Au début de ma vie professionnelle, en entreprise, l'un de ceux qui m'avait pris en affection ne cessait de me mettre en garde contre les fonctionnaires, et les enseignants plus encore, pires encore que tous. Je continue à combattre, intimement convaincue qu'il se trompait, ou mieux encore qu'il ne s'agissait que de provocations - comme il a eu la gentillesse de me l'écrire des années plus tard.
Mais aujourd'hui je n'ai pas pu. Je me suis juste sentie déplacée, et très mal.

Des collègues, des professeurs, des adultes éduqués, cultivés, qui affichent sans complexe, derrière le rempart de leur bonne conscience et de leur pragmatisme revendiqué, un conformisme qui flirte de bien près avec l'intolérance, je ne peux pas m'y faire...

Confier la lutte contre l'homophobie aux enseignants ? Ce n'est vraiment pas gagné par ici...

9 commentaires:

Ex-prof a dit…

Ne pas oublier : les enseignants (et c'est un des bienfaits de la République) sont issus de tous les milieux, mais surtout des milieux "moyens", voire "moyens-moins", où leur réussite scolaire représentait un moyen d'accéder à ce qui se présentait comme une "réussite sociale".
De leurs milieux d'origine, ils ont parfois gardé, en fonction des rencontres qu'ils ont pu faire par la suite, les préjugés et les intolérances. Et même, ils en ont parfois acquis de nouveaux.
J'avoue avoir depuis longtemps abandonné l'espoir de "convertir" certains de mes collègues, considérant que mes efforts devaient tendre vers les élèves avant tout. Mais... il est bon que certains entendent, de temps à autre, une "vérité" différente de la leur...

Axel a dit…

Mais venant de ce milieu très moyen, je croyais justement trouver là une source d'élévation tout autant morale que culturelle.
J'ai beau savoir aujourd'hui que les enseignants sont comme les autres, ni meilleurs, ni pires, j'ai toujours du mal à l'accepter. Et plus encore lorsque des personnes que j'apprécie par ailleurs me déçoivent à ce point...
En général, j'interviens bien sûr, mais elles sont tellement sûres d'elles, tellement tranchantes, je n'ai pas toujours l'énergie nécessaire. (et j'espère très fort que d'autres sont dans mon cas et sont restés silencieux pour les mêmes raisons...)

Ex-prof a dit…

Pour te faire sourire (mais ce sont des histoires vraies, promis juré !) :
Une co-stagiaire de CAPES :
"Ben oui ça existe, la génération spontanée ! Si tu laisses un camembert sorti un certain temps, tu le retrouves plein de vers !"

Une ex-collègue (PEGC Histoire-Géo-Français) :
"L'orthographe, c'est inné ! La preuve, c'est que ma grand-mère, qui n'avait pas fait d'études, possédait l'orthographe !"

Ouais... Les études, ça suffit pas toujours...

pakita a dit…

Avant de vivre avec Loup (ex prof de philo renvoyé illégalement par l'E.N. puis réintégré par force de loi mais toujours sans poste) je croyais que les profs étaient au-dessus du lot. De gauche bien sûr, lettrés, intègres, enfin, tout un tas de trucs importants pour moi, qui comme tant d'autres leur confiais l'éducation de ses enfants.
Et puis Loup m'a ouvert les yeux. J'ai rencontré certains de ses collègues et surtout, j'ai vu leur attitude lorsque les emmerdes de Loup ont commencé et la manière dont ils l'ont lâché les uns après les autres et les raisons invoquées.
Aujourd'hui, je sais que le boulot de prof est difficile, qu'on vous en demande toujours plus et surtout que pour rester un bon prof, une bonne personne, il faut savoir résister, être solide comme personne !
C'est un métier fabuleux que la société d'aujourd'hui mène à sa dérive de toutes les manières possibles !
Un gâchis de plus... hélas.
Courage Axel ! Hélas, être dans le vrai est souvent synonyme de solitude. Mais le fait que tu nous confies, ici, la réalité, participe à remettre les choses à leurs places, à nous ouvrir les yeux.
Merci.

Axel a dit…

Merci Pakita, mais c'était un coup de déprime, je ne suis pas meilleure que les autres, je suppose que certaines de mes réflexions assombrissent de même l'humeur de certain(e)s.
Après tout, penser qu'une profession élève ses membres était/est très naïf de ma part... même si je continue à tomber de haut en découvrant par exemple un médecin qui s'intéresse d'abord à ce que lui rapportent ses "clients" (et non plus ses "patients"...) ou un avocat qui ne s'indigne pas forcément de voir les droits bafoués !

Je ne sais pas exactement comment cela s'est passé pour ton Loup, mais j'ai pu constater hélas les limites de la solidarité et du soi-disant esprit de corps.

Maintenant, à tort ou à raison, j'ai quand même tendance à défendre mes collègues contre vents et marées, c'était vraiment l'expression d'un découragement profond mais passager.

Axel a dit…

Merci pour le sourire "Ex-prof" (tiens, justement, le ex- ne convient pas du tout en ce qui te concerne : enseignante dans l'âme !)

Oh!91 a dit…

Je souscris à ce que dit Pakita : "C'est un métier fabuleux que la société d'aujourd'hui mène à sa dérive de toutes les manières possibles !
Un gâchis de plus... hélas."
Je ne suis pas prof, en ai dans mes amis, assiste souvent, par mes activités professionnelles, à la démission morale, ou sociale, de la plupart, mais reste admiratif devant ceux qui continuent à faire passer leur vocation devant leur carrière ou leur tranquilité.
N'es-tu pas la preuve vivante qu'on peut être prof et rester humble ? L'essentiel, prof ou pas, c'est de rester toujours, et toujours, en résistance...
(et merci pour le clin d'oeil : les titres, c'est comme l'affection, ce n'est bon que quand on les partage)

Axel a dit…

@ Oh!91 - J'en rougis...

"en résistance", oui, c'est plus important que jamais. Mais je continue à rêver d'un monde où l'essentiel pour chacun serait de se construire harmonieusement.

Ed a dit…

L'homophobie, comme le sexisme, et autres préjugés ordinaires, on y est confronté tous les jours dans les media, chez le boulanger, dans la bouche de nos élèves, dans nos familles, ça échappe à des gens qui nous paraissaient pourtant "bien", mais c'est comme ça. Il y a longtemps que je n'ai pas d'espoir de changer cela. Je suis sûr que même certains auteurs ou personnalités que nous connaissons sous un jour plus glorieux, laissent échapper des petites horreurs s'ils mangent à la cantine, ou n'interviennent pas à chaque fois pour arrêter la personne qui en dit. On ne peut pas être zorro tout le temps !