Le battage médiatique autour de Jérôme Kerviel en ce moment me conduit à m'interroger sur la chute, sur ma perception de la chute plus exactement. Oui, j'ai des cheminements de pensée quelque peu tortueux.
C'est peut-être que je ne suis pas très sensible aux gags en général, mais le fait est que les gens qui trébuchent ou qui tombent ne m'ont jamais fait rire. Mais jamais. Quand certains s'esclaffent, paraît-il naturellement, ma première réaction a toujours été l'inquiétude.
Finalement, je réalise qu'il en est de même pour celui qui "tombe de haut". Ces gens qui semblaient avoir tout pour eux puis le perdent soudain, et se retrouvent désignés à la vindicte populaire, quels qu'ils soient, commencent toujours par m'émouvoir. Avant d'y avoir vraiment réfléchi, c'est ma première réaction, qu'ils soient ou non sympathiques. Parce que, franchement, au premier abord, ce J. Kerviel ne fait pas partie des gens que je pourrais apprécier, ni plaindre quand il leur arrive de perdre. Même si ce qui lui est tombé dessus après coup me paraît totalement disproportionné, on ne peut pas dire que son attitude depuis me le rende plus sympathique. Et pourtant, oui, je comprends ce comité de soutien et j'en arrive à le plaindre, lui, en tant que jeune homme écrasé par les conséquences d'un jeu malsain certes mais pour lequel il avait été d'abord recruté.
Mais ce qui m'émeut plus encore, parce que d'une certaine façon cela renforce ma confiance en la vie, c'est lorsqu'une personne après être tombée se relève et semble avoir retrouvé le goût de vivre. Au fond de moi, je pense que nous sommes tous capables de nous remettre de tout. C'est une idée dérangeante parce qu'elle sous-entend que le désir de vivre est le plus fort, que la mort, la perte, le désespoir ne nous empêcheront pas de rire et d'aimer encore, mais c'est aussi comme un hymne à la vie infiniment plus puissante que la mort, la perte, le désespoir.
Alors c'est peut-être plus visible lorsqu'il s'agit d'une personnalité, ou juste d'un garçon comme les autres pris sous les feux de l'actualité, mais c'est tout aussi vrai au quotidien. Pour cette mère qui a perdu coup sur coup, à un an d'intervalle exactement, ses deux plus jeunes filles, laissant l'une comme l'autre un enfant orphelin. Il est difficile d'imaginer dans quels abîmes elle a pu s'abîmer pendant des mois, de la solitude qui a dû l'étreindre en voyant son mari, ses grands enfants presque lui reprocher de se laisser abattre, de ne pas se faire violence pour continuer. Et puis, peu à peu, la vie a repris ses droits. Et un jour elle a retrouvé le sourire, l'envie, renoué avec les projets et l'enthousiasme. La douleur n'a pas disparu et continue à affleurer souvent, mais sa vie a repris. Et je trouve ce mystère aussi bouleversant que celui de la vie même.
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6 commentaires:
J'ai du mal à comparer les personnes vues sur les 3 photos que tu publies et cette femme dont tu parles. Car ces trois hommes, et Kerviel aussi partiellement ont causé eux-mêmes leur chute. Alors que si l'on perd ceux qu'on aime et qui sont nos piliers, on ne choisit pas.
Je n'ai par exemple aucune empathie pour Pistorius, exemple parfait du héros déchu. Je n'en ai pas non plus pour Cantat. Quant à DSK et Tapie, ne les ayant jamais considéré bien haut, je m'en fous.
Ah mais oui, j'avais oublié Pistorius.
Plus sérieusement, j'ai failli répondre que tu avais raison et que ce n'était évidemment pas à mettre sur le même plan. Mais j'ai aussitôt réalisé que ce n'était pas tout à fait exact.
Ce que je voulais dire, c'est qu'inconnu ou non, responsable ou pas, proche de moi ou parfaitement indifférent, voire d'un tout autre monde, ceux à qui tout semblait sourire et dont la vie s'écroule soudain m'émeuvent immanquablement.
C'est justement parce que ce premier mouvement ne m'apparaît pas si "normal" que cela que me conduit à m'interroger.
Tu parles d'empathie, c'est peut-être ça en effet qui me porte à penser que la culpabilité est un fardeau supplémentaire. Mais ce n'était pas la question, même si je comprends à te lire que cela puisse choquer, j'ai sans doute maladroitement repensé à ce double drame en pensant au sourire qui redevient possible malgré tout.
Les chutes ne m'ont jamais fait rire non plus.
Je n'ai aucun respect pour ces personnes qui en bouffent tellement qu'à un moment donné ils tombent (souvent à cause de plus gros croqueurs qu'eux, ou parce qu'ils sont tellement remplis de leur suffisance qu'ils en oublient qu'ils ne sont qu'humains).
Par contre, les personnes qui se relèvent après une perte humaine m'émeuvent toujours.
Fortement.
erf c'est elles tombent et non pas ils tombent :/
Ta première phrase me fait bien plaisir, nous serons au moins deux extra-terrestres alors.
Ah mais le respect n'a rien à voir là-dedans. On peut compatir aux malheurs d'un être humain, si critiquable soit-il, enfin c'est mon point de vue.
Je crois que c'est la capacité à se relever en elle-même qui m'émerveille (et m'angoisse en même temps, justement après la perte d'un être cher. C'est difficile à expliquer, un peu comme si on se mentait à soi-même en les disant plus importants que notre propre vie).
Je n'ai pas été choquée, rassure-toi. Simplement je ne peux vraiment pas avoir d'empathie pour la chute de quelqu'un qui mérite de chuter. J'avais été étonnée à 17 ans que notre assistante espagnole ait gardé une bouteille au frais pour le jour de la mort de Franco. "Arroser une mort, quand même" la petite française qui avait encore tous ses êtres chers autour d'elle, était là, un peu choquée. Mais aujourd'hui, je comprends. Quant à la perte des êtres chers, pour être passée par là, je pense que si l'on arrive à garder en soi le meilleur de ce qu'ils nous ont donné, et de ce qu'on leur a donné, quand ils étaient là, on finit par y arriver. Cela ne veut pas dire qu'ils ne restent pas plus importants que notre propre vie. Va-t-on pour autant en finir parce qu'ils ne sont plus là ? je ne pense pas que c'est ce qu'ils souhaiteraient. Et heureusement que la majorité des gens ont la capacité de se relever, sinon, le monde serait rempli de malades mentaux.
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